Présentée comme une « bavure » par l’extrême gauche, la mort d’Adama Traoré après son interpellation par les gendarmes, le 19 juillet 2016, a mis le feu à Persan et à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). Pendant trois semaines, nous avons enquêté. Nos révélations remettent en cause la version de la famille Traoré.
Un habitant de Beaumont-sur-Oise qui connaît bien l’affaire n’en revient toujours pas. Le 5 janvier, alors qu’il regarde le Gros Journal sur Canal Plus, présenté par Mouloud Achour, ce dernier se rend dans sa ville et donne la parole à Assa et Youssouf Traoré, la soeur et le frère d’Adama. Le présentateur ne cache pas son parti pris contre les gendarmes : « Tous nos combats sont cristallisés dans cette histoire et dans le combat d’Assa Traoré. » Il conclut l’émission en offrant un cadeau à la jeune femme : « Je te confie une arme. C’est cette caméra. Je te propose de devenir officiellement reporter au Gros Journal. » Le symbole est tout aussi fort que celui offert par Mediapart quelques jours plus tôt.
La version des Traoré relayée dans tous les médias
Le site dirigé par Edwy Plenel a demandé à Assa Traoré de présenter ses « vœux présidentiels » aux internautes du journal en ligne dans une vidéo. Évoquant son frère, ses accusations sont graves : « Il a rendu l’âme dans les locaux de la gendarmerie de Persan. Ces gendarmes ne l’ont pas aidé à vivre, mais l’ont aidé à mourir. » Elle surenchérit sur les « violences physiques d’État » et cite Sivens ou encore Notre-Dame-des-Landes qui « ont vu couler le sang des manifestants, à coups de Flash-Ball, de grenades [...]. » Si la jeune femme exprime sa souffrance légitime pour son petit frère mort, un détail interpelle : elle profite de chaque intervention pour embrayer sur un discours beaucoup plus politique.
Depuis la mort d’Adama Traoré, la version de sa famille et de l’association Vérité pour Adama est relayée avec force dans tous les médias. À grand renfort de coups de communication, organisés par leur avocat Me Yassine Bouzrou, une petite musique commence à s’installer : « Adama a été victime de violence policière ». Certains parlent même d’un « crime » ! Constatant que le procureur – qui a été muté pendant l’affaire – communique maladroitement et peu, « pour éviter qu’on reproche aux gendarmes de mettre le feu », selon un militaire dépité que nous avons rencontré, Bouzrou se lâche et impose sa vérité.
« Tout le monde a peur des frères Traoré ici »
L’avocat, qui s’est spécialisé dans ces affaires sensibles, a déjà défendu le cas d’Abou Bakari Tandia, mort à la suite d’une garde à vue en 2004. Avec talent, il organise parallèlement une campagne d’honorabilité de la famille Traoré. C’est grâce à lui que le Gros Journal s’intéresse à l’affaire et que Youssouf, le frère d’Adama, apparaît dans l’émission à sa sortie de prison – il a été condamné avec son frère pour violences et outrages contre des policiers et des gendarmes qui protégeaient un conseil municipal à Beaumont-sur-Oise. Youssouf se lamente :
« J’ai perdu mon travail […]. Tous mes projets sont partis en l’air. J’ai fait de la prison pour rien […]. Je n’ai jamais eu affaire à la justice avant, je suis quelqu’un de bien […]. »
En enquêtant, un élément surprend : à chaque fois que des questions sont posées sur la famille Traoré, les habitants de Beaumont refusent de s’exprimer. « La vérité, c’est que tout le monde a peur des frères Traoré ici », finit par livrer l’un d’eux. « Ce sont des caïds, un clan, c’est Bagui, la tête de réseau », cible carrément un autre qui nous fait jurer de ne pas citer son nom. En creusant, on apprend que Bagui Traoré – actuellement en prison –, qui selon nos informations n’aurait pas hésité à donner trois identités différentes aux enquêteurs et se fait appeler « Gibs Traoré » sur Facebook, a fait l’objet de plusieurs procédures judiciaires pour « extorsion (en 2003 et 2005), détention non autorisée de stupéfiants en 2013 […], vol à l’aide d’une effraction, port prohibé d’une arme de 6e catégorie […] ». Pas vraiment un tendre.
Quant à Youssouf, qui met en avant sa probité sur Canal Plus, il serait tout de même connu pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, violences volontaires, rébellion, menaces de mort ». De son côté, Adama est connu depuis 2007 à travers dix-sept procédures !
Pas tout à fait le profil de l’enfant de chœur décrit dans les médias. Le jour de sa mort, cela fait seulement un mois qu’Adama est sorti de prison, où il a tout de même été accusé de viol par son codétenu ! Ensemble Bagui et Adama auraient été impliqués dans une affaire de recel de bien provenant d’un vol et pour usage de stupéfiant, en 2010. La fratrie Traoré est connue pour être proche des associations SOS Racisme, le CRAN ou encore le collectif « Urgence notre police assassine », très influents dans ces quartiers.
Lire la suite de la contre-enquête sur valeursactuelles.com
Mouloud Achour embauche la sœur d’Adama Traoré dans le Gros journal
Assa Traoré milite pour que vérité et justice soient faites sur la mort de son frère. Adama Traoré est décédé le 19 juillet après son interpellation par les gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise).
On l’avait découverte le 28 septembre. Assa Traoré interpellait François Hollande, le sommant de réagir après la disparition dans des circonstances floues de son frère Adama, le 19 juillet, à la suite de son interpellation par les gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). C’était déjà dans Le Gros journal, l’émission quotidienne de Mouloud Achour sur Canal +. Ce jeudi soir, révéle Télérama, l’animateur frappe plus fort en recrutant Assa Traoré parmi son équipe de journalistes. « Je te confie une arme, lui annonce-t-il. C’est cette caméra. Je te propose de devenir officiellement reporter au “Gros journal”. »
Alors que l’enquête, « dépaysée à Paris », est toujours en cours pour établir les responsabilités de chacun, la sœur aînée d’Adama Traoré se fait de plus en plus présente médiatiquement. Le 1er janvier, Mediapart la nommait présidente d’honneur et filmait ses voeux pour 2017. Le premier d’entre eux : « Rendre Beaumont-sur-Oise capitale du monde libre ».
Lire la suite de l’article sur leparisien.fr
Avant d’être embauchée par l’animateur Mouloud Achour dans son émission sur Canal+, Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, a participé à cette vidéo de Mediapart diffusée le 31 décembre 2016.
« Mon frère Adama n’est pas le premier mort asphyxié par les représentants de l’ordre. [...] D’autres sont décédés dans l’indifférence sous les balles ou les grenades comme Rémi Fraisse. »
« Que la France cesse d’oublier les DOM-TOM qui subissent des violences policières croissantes. [...] Les violences d’État ont cette année largement débordé les quartiers populaires, ont pris place dans les centres-villes et dans les campagnes... »
À écouter la diatribe d’Assa Traoré, dont nous pouvons comprendre la douleur, l’État français serait en guerre contre les Noirs, disons-le carrément. Cet essentialisme est dangereux. Les forces de l’ordre ne visent pas des individus de couleur mais des délinquants souvent multirécidivistes, ou des manifestants violents. Une nuance de grande taille. La France ne doit pas devenir les États-Unis où sévissent les conflits interethniques et le « Black Lives Matter »...